« Je décarbonnerai notre économie » Anne Hidalgo

3 objectifs pour décarboner notre économie 

Les conséquences directes et dramatiques du réchauffement climatique sur nos vies, décrites par les rapports successifs et alarmants du GIEC, appellent une sortie rapide de l’inaction climatique et des énergies fossiles, qui représentent encore autour de 70 % de l’énergie finale consommée. A cet égard, les quatre scenarii présentés par l’ADEME le 30 novembre intègrent que l’atteinte de la neutralité carbone passera par une articulation entre démarche de sobriété, efficacité énergétique et mix énergétique décarboné qui puisse répondre aux besoins de consommation énergétique de la population. A court terme, l’objectif impérieux est toutefois bien la sortie des énergies fossiles dans notre mix.

Cette décarbonation de notre économie nous impose de :

  • dépenser plus, en revoyant à la hausse nos investissements énergétiques, notre projet prévoyant de consacrer 15 milliards pour la transition écologique et la réindustrialisation, notamment en rétablissant l’ISF qui est une mesure de justice sociale, écologique et économique et en proposant une taxe climat sur les produits de placements comprenant des actifs liés aux énergies fossiles,
  • dépenser mieux, en prévoyant des investissements de grande ampleur plutôt que des ajustements marginaux, en s’interrogeant sur la nature des projets financés et en intégrant l’adaptation au changement climatique, et surtout 
  • dépenser pour tous, en rendant la transition socialement plus juste.

Enfin, l’atteinte de la neutralité carbone suppose une profonde transformation des secteurs économiques les plus émetteurs, un accompagnement des territoires en mutation et la formation aux nouveaux métiers, le tout soutenu par un plan quinquennal et une programmation de long terme.

Construire le consensus énergétique autour de la décarbonation

Les heures sombres que l’Europe vit aujourd’hui nous obligent à collectivement nous interroger sur notre souveraineté énergétique. Dans cette optique, la première année de présidence permettra la tenue d’un grand débat national autour de la transition énergétique. Ce débat débouchera sur une feuille de route pour les 25 ans à venir et sur une loi de programmation quinquennale permettant le déploiement massif des énergies renouvelables et fixant des objectifs précis de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique.

Décarboner notre mix énergétique

Notre ambition est claire : « 100% d’énergies renouvelables aussi rapidement que possible ». Il semble néanmoins raisonnablement difficile d’envisager de se passer du nucléaire à court terme. Dans cet esprit, la durée de fonctionnement des réacteurs actuels, sous le contrôle du Parlement, doit être définie par l’Autorité de sûreté nucléaire. Il sera de ce point de vue indispensable de réaliser un « point zéro » sur le niveau réel du parc nucléaire existant. Énergie de transition, c’est sous cet angle technique que l’horizon atteignable de sortie du nucléaire doit être envisagé. 

Ce choix implique donc de miser sur les énergies renouvelables afin d’assurer notre indépendance énergétique et, dès lors, d’assurer leur forte montée en puissance en concentrant sur elles l’essentiel de nos efforts d’investissements énergétiques. Pour ce faire, il s’agira :

  • d’accompagner les collectivités et en premier lieu les régions (via un schéma régional de cohérence énergétique),
  • de définir une planification précise, notamment foncière, pilotée par l’État et qui associe tous les acteurs,
  • d’engager un plan national et régionalisé de production d’énergies renouvelables de l’habitat collectif et individuel et des surfaces commerciales (objectif de 100% des toits photovoltaïques),
  • de clarifier la réglementation sur l’usage des surfaces agricoles à des fins de production énergétique (méthanisation et photovoltaïque), via un cadre national, qui permettra de créer des dynamiques locales, avec une priorité absolue donnée à la sécurité alimentaire.

C’est donc d’une stratégie énergétique diversifiée et d’un rééquilibrage de la production électrique dont nous avons besoin, le tout appuyé sur un bouquet de filières peu carbonées qui permettent une valorisation des ressources locales. 

Réindustrialiser notre pays

Notre ambition énergétique s’inscrit dans un projet de réindustrialisation plus large. Au lieu de saupoudrer les investissements, nous proposons de les concentrer sur « quatre grandes odyssées » industrielles, dont l’énergie. Nous devons agir dans plusieurs directions pour que ce projet n’aille pas à l’encontre de nos objectifs environnementaux.

Au niveau européen, nous devrons poursuivre la mise en œuvre du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), qui favorisera une relocalisation de certaines productions dans l’UE, où la production industrielle est beaucoup moins intense en carbone. Cela permettra aussi de réduire les émissions liées notamment au transport maritime et routier. Au lieu de faire produire ce que nous importons dans des pays aux conditions humaines et écologiques parfois indignes, choisissons la traçabilité et la qualité du local.

Au niveau national, plusieurs leviers devront être actionnés : conditionner la commande et les aides publiques au respect de critères environnementaux et sociaux, accompagner l’industrie dans sa modernisation, en particulier en matière d’effacement des consommations ou encore développer les contrats de fourniture d’électricité de long terme pour stabiliser les coûts.

Décarboner notre économie et nos usages

De nombreux pans de notre économie et de nos usages doivent faire l’objet de mesures ciblées.

Le secteur des transports et des mobilités

Nous rendrons enfin accessible l’achat d’un véhicule moins polluant par l’instauration d’un prêt à taux zéro mobilité durable et la mise en place d’un leasing social, ainsi qu'un grand plan de déploiement d’un million de bornes électriques dans le pays. Nous accompagnerons aussi les territoires à travers une politique ferroviaire ambitieuse et par un moratoire sur la suppression des petites lignes accompagné d’un plan massif d’investissement de 1,5 milliards d’euros pour financer les petites lignes, les trains de nuit, le fret ferroviaire ainsi que la régénération des moyennes et grandes lignes et un grand plan gares. Les transports collectifs bénéficieront d’un taux de TVA réduit à 5,5%. Enfin, nous accompagnerons le développement du fret commercial des entreprises par un plan d’investissement dans la rénovation et la capacité des réseaux à horizon 2030, en revitalisant les voies régulières de fret maritime et fluvial et en doublant le fret ferroviaire pour atteindre 18% de part modale.

Le secteur du numérique

Nous accompagnerons le secteur du numérique  vers plus de sobriété. Il conviendra de prioriser le complet déploiement des technologies existantes (3G/4G) avant de poursuivre d’autres développements (5G) et de renforcer les filières de réemploi et de reconditionnement d’équipements électroniques. Les externalités environnementales du e-commerce, qui a une empreinte carbone importante et qui est source de congestion et de pollution dans les centres-villes (livraison) pourront faire l’objet d’une éco-redevance que les collectivités territoriales pourront imposer sur la livraison à domicile.

Le secteur du bâtiment

Ce secteur représente plus de 40 % de la consommation d’énergie et environ 25 % des émissions de C02, alors que 12 millions de personnes sont aujourd’hui en situation de précarité énergétique et que ce chiffre risque d’augmenter. Nous proposons ainsi une prime climat :aucun frais à avancer au moment des travaux et un remboursement, dont l’ampleur dépendra du niveau des revenus, au moment de la revente ou de la succession. C’est une rénovation garantie de 760 000 logements/an, soit 22 millions de logements d’ici 2050 pour un investissement total de 510 milliards en 30 ans. Par ailleurs, nous organiserons la décentralisation partielle de la politique de rénovation énergétique en faisant des collectivités territoriales des Autorités organisatrices de la lutte contre la précarité énergétique.

Retrouvez également toutes mes propositions sur le logement bas carbone.

L'agriculture

L’agriculture représente 19% du total des émissions de GES. Puissance agricole majeure, la France a un devoir d’exemplarité à l’échelle internationale (sécurité alimentaire, lutte contre la déforestation importée et contre l’accaparement des terres,) et de changement profond des pratiques à l’échelle nationale. Pour atteindre les objectifs d’atténuation des émissions, une politique ambitieuse doit passer notamment par le développement rapide des pratiques agroécologiques : polyculture-élevage comme modèle de référence, sortie à terme des engrais azotés de synthèse, développement des techniques de captation du carbone dans le sol (expérimentation 4 pour 1000). Il nous faudra mettre en œuvre une grande loi sur le partage et la protection des terres agricoles. Elle visera notamment à réguler l’ensemble des marchés fonciers et à lutter contre l’accaparement des terres, par un plan décennal de renouvellement des générations. Une terre partagée, c’est une terre en meilleure santé, qui assure notre sécurité alimentaire. Cette loi permettra aussi de renforcer nos ambitions en matière de lutte contre l’artificialisation des sols, en faisant notamment de la zone agricole protégée (ZAP) la règle en matière d’urbanisme pour viser zéro artificialisation nette sur l’ensemble du territoire en 2030.

Nous souhaitons une agriculture créatrice d’énergie faiblement carbonée, tout particulièrement par le développement d’une méthanisation encadrée et vertueuse, intégrée dans la stratégie nationale de développement des EnR. 

Pour éviter les dérives, les projets de méthanisation devront être certifiés par l’État, proportionnés aux enjeux environnementaux et soumis à un minimum de planification à l'échelle locale. Elle doit également être centrée sur la valorisation des effluents d’élevage, et non sur des cultures (CIVE).

Ces mesures de transformation d’ensemble de notre système agricole et alimentaire à la fois au niveau européen et au niveau national, s’appuient nécessairement sur des dispositifs de formation et d’accompagnement pour les agriculteurs : mise en place de certificats d’économie d’engrais azotés, formation aux techniques agroécologiques, vigilance sur les nouveaux coûts et/ou taxes supportés par les exploitants (notamment sur les engrais azotés).

Adapter l'économie Française au dérèglement climatique 

Enfin, la France est dotée d’un plan d’adaptation (PNACC2) dont l’objectif est de mieux protéger les Français face aux événements extrêmes (inondations, crues, sécheresses, vagues de chaleur, feux de forêt, submersion dans les régions côtières, cyclones dans les territoires ultra-marins, …) mais aussi de construire la résilience des principaux secteurs face au changement climatique, en premier lieu pour les infrastructures dont certaines sont vulnérables (transport, énergie, …). Nous apporterons à ce plan le soutien nécessaire pour sa mise en œuvre effective en mettant l’accent sur l’implication des régions car c’est à cette échelle que l’adaptation peut se concrétiser de façon efficace. La recherche insuffisamment développée sur les aspects liés à l’adaptation sera par ailleurs soutenue (par exemple au niveau des services climatiques).

Voici en quelques axes la politique de décarbonation de notre économie proposée, afin que la France prenne pleinement sa part de responsabilité dans cette décennie critique que nous entamons pour la survie de notre planète et de notre humanité.